Notre IEF

#touche pas à mon IEF

Comme beaucoup d’autres familles aujourd’hui, je suis totalement sans voix, face à l’annonce faite par notre Président ce midi. Un projet de loi visant à rendre obligatoire l’instruction en école dès septembre 2021 hors soucis de santé.

Très énervée mais aussi très angoissée à l’idée qu’une telle loi pourrait passer, à l’idée de devoir mettre nos enfants en école alors que nous avons fait le choix de les instruire en famille.

Le libre choix de l’instruction revient aux parents, c’est un droit protégé par la constitution… ce qui signifie aujourd’hui qu’il reste de nombreuses étapes avant qu’une telle loi ne puisse être validée. Mais l’opinion publique étant aujourd’hui très largement opposée au fait qu’un enfant n’aille pas à l’école, j’ai bien peur qu’il ne soit pas bien difficile de faire passer ce projet de loi. D’autant plus, lorsque la raison de base évoquée est la lutte contre le séparatisme.

Cette année on dénombre apriori plus de 50000 familles ayant choisi d’instruire leur/leurs enfants à la maison. De différentes manières, il y a autant de formes d’IEF que de familles : par cours par correspondance (CPC), en utilisant des manuels, en réalisant un travail formel préparé par les parents et adaptés à l’enfant, de manière informelle en partant des expériences et de la vie quotidienne, de l’unschooling… Il y a aussi tout un tas de raisons bien différentes et propres à chaque famille. Le gouvernement argue aujourd’hui de protéger les enfants d’extrémismes religieux, du séparatisme. Mais actuellement, la grande majorité de familles ayant choisi l’IEF le font pour plein de raisons bien loin de quelques considérations religieuses. Il est question de bien-être de l’enfant, respect du rythme biologique et du rythme des apprentissages, respect des besoins particuliers de chaque enfant, volonté de passer du temps avec son ou ses enfants, d’être présent au quotidien dans leurs instruction, leur permettre de suivre un autre cursus, ou du sport/instrument à haut niveau, … Il n’est pas question d’éloigner les enfants de la République, ni du système, mais de leur permettre de s’épanouir pleinement, d’apprendre par d’autres façons de faire et de construire des adultes qui auront confiance en eux, en leur capacité, épanouis et en mesure d’évoluer librement, mais aussi des êtres humains en mesure de prendre pleinement la mesure de la nécessité de changer les choses, de l’urgence de revenir à un autre mode de consommation, plus responsable, plus raisonnable.

Chaque famille aura ses propres raisons, sa propre histoire et façon de voir les choses. Ici, l’instruction en école ne nous convenait pas. Des classes surchargées, des enseignants qui font bien souvent avec les moyens du bord (et comme je dis, des bords souvent bien minces), un rythme que je ne trouve absolument pas adapté. Courir dès le saut du lit, rester assis plusieurs heures par jour, ne pas pouvoir aller aux toilettes/boire quand l’enfant en ressent le besoin, ne pas pouvoir se reposer quand le besoin s’en fait ressentir, apprendre telle notion à tel moment/tel âge parce que « c’est comme ça »… Quoi de plus frustrant pour un enfant qui veut apprendre à lire que de se voir opposer un « tu apprendras au CP, quand tu auras six ans ». On lui indique qu’il y a un âge, que son envie et sa volonté interne ne sauront pas suffire à lui permettre d’atteindre son objectif. Mais quelle violence pour un enfant, et quel coup dans l’estime de soi. En lui opposant ce genre de décision, c’est lui dire « tu n’es pas capable/tu ne peux pas/tu es encore trop petit ». Pourtant, rien de plus déterminer et efficace qu’un enfant qui ressent en lui le besoin d’apprendre quelque chose qui l’intéresse/le passionne. Nos deux enfants ont appris à lire bien avant l’âge habituellement indiqué. La grande avait entre 3 ans et demi et 4 ans quand elle a déchiffré ses premiers mots, ses premières phrases et lisait fluidement sans aucune difficulté dès ses cinq ans. Le petit (5 ans et demi), un peu plus gêné par un trouble du langage, lit actuellement avec notre soutien ou seul de petits livres. Il a commencé à entrer dans la lecture vers ses 4 ans. Il manque déjà de confiance en lui, alors comment aurait-il vécu qu’on lui réponde qu’il n’avait pas l’âge et qu’il devait attendre? C’est aujourd’hui ce que je reproche au système français. Le manque d’adaptation aux enfants. On reste sur un programme figé sans prendre en considération les dernières avancées en terme de neurosciences concernant le développement neurologique des enfants. On évolue par classe, on apprend tous ensemble les mêmes matières, notions qu’on soit prêt à une telle acquisition ou non, qu’on ait besoin de plus de temps ou qu’on puisse rapidement passer à l’étape d’après. L’avantage, lorsque l’on choisit l’instruction en famille, c’est de pouvoir s’adapter totalement à son enfant. A son mode de fonctionnement, à ses capacités, à ses envies aussi. C’est de pouvoir prendre le temps de lui réexpliquer plus longuement les notions qui posent davantage problème, et avancer plus vite sur les domaines qui sont déjà acquis. Il n’est pas rare en IEF de voir des enfants avancer sur « plusieurs niveaux » (je mets des guillemets pour permettre de bien saisir ce que peut apporter l’instruction en famille, mais ici on ne parle pas de niveaux/classes…). C’est d’ailleurs un autre reproche que je fais au système scolaire. Cette concurrence mal saine constante. Être meilleur que l’autre quitte à lui marcher dessus, les systèmes de notation qui induisent cette concurrence ou une pression trop importante, les systèmes de récompenses/sanctions pour obtenir un comportement attendu alors qu’on sait aujourd’hui que ce fonctionnement a un impact négatif sur le développement de l’enfant. J’ai envie que nos enfants apprennent, et aient envie de s’instruire pour s’élever, pour eux-même, pas pour être meilleurs que leur copain, ou pour être le premier de la classe. On voit d’ailleurs tout l’impact négatif d’un tel système. Le nombre croissant d’élèves en souffrance, le nombre élevé de cas de harcèlement dès la primaire et parfois même dès la maternelle. La violence au sein des écoles qu’on retrouve parfois dès la maternelle également. Signe d’un mal être des enfants, ou d’enfants en difficultés émotionnelles (oui, je rappelle qu’un enfant n’agit pas pour embêter volontairement les autres ou les adultes et que le comportement d’un enfant est directement lié à ses émotions et une immaturité neurologique), dans un système déjà mis à mal par le manque d’enseignants, d’adaptabilité. Comment veulent-ils rajouter tout nos enfants actuellement instruits en famille dans un système déjà au bord de l’explosion? Comme je le dis régulièrement, c’est le système scolaire et sa rigidité qui nous pose problème. Absolument pas contre les enseignants. Alors bien sûr, il y en a de très bons impliqués et d’autres qui n’ont peut être pas la vocation, ou qui l’ont perdu à force d’être dans ce système. J’ai des ami(e)s enseignants qui font un boulot formidable pour enseigner dans des conditions loin d’être évidentes, qui prennent sur leur temps personnel/leur budget personnel pour proposer un maximum d’alternatives à leurs élèves. Mais avec des classes surchargées, des enfants souvent épuisés par un rythme imposé par les adultes et la société, et des programmes figés, il n’est pas possible de s’adapter à chacun. Et il y a des enfants qui ont davantage besoin de flexibilité, de temps pour aborder certains apprentissages, de présence et de soutien de l’adulte. Il y a des familles qui ont tout simplement fait un choix dont la liberté est constitutionnellement garantie à ce jour pour permettre à leurs enfants de grandir librement, à leur rythme, pour ne pas leur imposer un système qui ne leur convient pas. D’autres qui ont du faire ce choix parce que l’école n’est pas adaptée aux besoins de leurs enfants, créant une souffrance inimaginable pour l’enfant. Combien d’enfants, même dès le plus jeune âge sont en état de phobie scolaire et autres angoisses engendrant souvent des troubles relationnels et comportementaux liés à la scolarisation et à la pression imposée en école et par le système scolaire français? En raison de dérives d’une minorité, (qui très honnêtement échapperont bien entendu au contrôle de l’Etat même en rendant obligatoire la scolarisation dès trois ans), ils entendent aujourd’hui priver des familles ayant fait un choix protégé par la Constitution et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, sans prendre en compte le bien être de l’enfant. C’est tout de même ce qui devrait être la priorité d’un gouvernement non? Le bien être des enfants, des familles. Alors bien sûr qu’il y a des cas où des familles motivées par diverses raisons que je refuse de faire rentrer dans le terme de « religieuses », parce que je refuse de rentrer dans cet amalgame que beaucoup trop de gens font actuellement : appuyer pour une scolarisation obligatoire en école pour lutter contre le séparatisme, va trouver un grand public qui n’y connaît rien en terme d’instruction en famille et qui vont y voir une excellente idée de notre gouvernement puisqu’il est question de protéger notre société et les principes de liberté du séparatisme et de dérives religieuses. Seulement, il faut bien avoir à l’esprit que ces cas ne touchent qu’une minorité de familles. Mais, l’instruction en famille pour la majorité des familles ne ressemble en rien à l’image que les médias et le gouvernement met en avant actuellement. Ce sont des familles engagées dans l’éducation et l’instruction respectueuse de leurs enfants, qui ont envie de profiter de ces années d’enfance qui passent trop vite, d’être présents pour les accompagner et les aider à s’épanouir. Des familles qui ne sont absolument pas isolées, en dehors de la société. Des familles qui bien souvent ont à cœur d’aborder les sujets importants tels que la République, et de leur permettre de comprendre les principes fondateurs de la démocratie. Mais l’instruction en famille baigne réellement dans une grande vague d’idées préconçues, ce qui nous porte souvent préjudice : jusque là nombre de personnes restent convaincues que l’école est déjà (a toujours été) obligatoire, qu’un enfant ne peut apprendre qu’en école, qu’il faut absolument être assis sur un bureau en suivant un programme fixe pour apprendre et évoluer; combien ont à l’époque dit à ma fille que si elle n’allait pas à l’école, elle ne pourrait jamais apprendre à lire? entre autre remarque. Sans compter le sujet hautement sensible de la sociabilisation et de la crainte de l’isolement de l’enfant en IEF.

J’avais écrit un long billet il y a quelques années autour de la sociabilisation. Une question, une idée reçue qui revient très souvent lorsqu’on évoque l’instruction à la maison. Le risque d’isolement de l’enfant… Essentiellement parce que l’on a une idée totalement préconçue selon laquelle l’école est un lieu de sociabilisation. Mais il existe bien des façons d’avoir une vie sociale. Et j’explique souvent autour de nous que « regrouper 30 enfants dans une salle de classe, les laisser jouer ensemble deux fois 15 minutes en cours de récréation, souvent avec des camarades du même âge », ça n’est pas ce que j’appelle de la sociabilisation. Nos enfants ont la chance de côtoyer des personnes de tous âges, et de tous horizons au fil de la journée/semaine. Des personnes avec qui ils pourront discuter de leur quotidien, de leur travail, de leurs passions, des enfants qu’ils voient de manière régulière lors de leurs activités sportives ou artistiques/musicales. L’instruction en famille permet une grande richesse de rencontres (sans compter les sorties proposées régulièrement via différents groupes « non-sco »). Et le problème actuellement, ce sont ces dizaines d’idées préconçues sur lesquelles le gouvernement appuie, faisant passer les familles instruisant leurs enfants en famille pour des familles isolant leurs enfants. On peut d’ailleurs très souvent lire dans des articles de médias que « le nombre d’enfants déscolarisés est en augmentation ». Seulement, nos enfants en IEF ne sont pas déscolarisés, ni laissés hors du système. C’est oublier, bien souvent un peu trop volontairement, que les familles ayant choisi l’instruction en famille sont contrôlées : une fois tous les deux ans par la mairie de la commune, et une fois par an par l’inspection académique qui vient contrôler la progression de l’enfant d’une année sur l’autre. Il nous appartient, à nous parents, chaque année de montrer que nous mettons tout en œuvre pour permettre à nos enfants d’évoluer, de progresser, d’apprendre et de s’épanouir. Mais si aujourd’hui on évoque la fin de cette liberté de choisir l’instruction en mettant en avant la lutte contre le séparatisme (etc), alors que les familles en IEF sont contrôlés par les services de l’éducation nationale, c’est à mon sens aussi la preuve d’un échec venant de l’administration qui laisserait échapper certaines familles sortant du cadre légal. Mais dans ce cas, pourquoi venir taper sur les doigts des familles qui respectent la législation et usent tout simplement d’un droit constitutionnel. Il s’agit d’ailleurs également d’un droit fondamental reconnu par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme dans son article 26-3 « les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leur enfant ». Chaque famille dispose de ce droit de choisir quelle éducation, et de quelle manière il conçoit son instruction. Le tout étant bien évidemment de respecter l’intérêt supérieur de l’enfant et que ce choix n’aille pas à l’encontre du bien-être de l’enfant. Il s’agit d’un droit fondamental que le gouvernement veut aujourd’hui nous retirer. En s’appuyant sur des éléments qui aujourd’hui vont créer une stigmatisation des familles qui ont fait ce choix, et en mettant de côté les nombreuses raisons toute à fait saines qui poussent ces familles à choisir l’instruction en famille.

Alors aujourd’hui, nous familles ayant choisi l’instruction en famille, et respectant le cadre légal (déclarations, contrôles), nous demandons à notre gouvernement, et à notre Président de repenser son choix de vouloir imposer l’instruction en école. Et de penser au bien être des enfants qui vont se retrouver dans un système non choisi. D’entendre la souffrance des familles qui ont déjà vécu des situations difficiles avec des enfants préalablement scolarisés et pour lesquels une phobie scolaire (quelle qu’en soit la cause) ne rend pas la scolarisation possible. Nous avons testé l’école ici. Notre grande a passé une année en école. Il s’en est fini une déscolarisation en urgence suite à un important mal être, une dépression et phobie scolaire. Personne, ni l’institutrice, ni la directrice de l’école n’avaient voulu entendre nos remarques. Pour eux elle allait très bien. Alors que nous la voyions s’éteindre progressivement, devenir agressive… Son déficit attentionnel, son très haut potentiel et des troubles du spectre de l’autisme font que nous avons totalement adapté l’instruction à ses besoins et à son fonctionnement. Et, on a fait pareil pour son frère. Je n’imagine même pas l’angoisse absolue si elle devait être contrainte à retourner en école. Ni celles de bon nombre d’enfants dans son cas. Mais au-delà de ça, et d’éventuels dérogations pour « soucis de santé » : pour les familles qui n’ont pour seule raison, l’envie d’instruire leur enfant. Il est important de se battre pour faire préserver notre liberté. Même si l’annonce de cette possibilité de poursuivre l’IEF pour les enfants présentant des soucis de santé, je n’envisage pas de me contenter du fait que mes enfants pourraient (peut-être) rentrer dans cette case. Et, c’est aux côtés des associations* défendant la liberté du choix de l’instruction que l’on se battra pour préserver nos droits et nous faire entendre.

Et encore, les TDAH, TSA, phobie scolaire seront-ils considérés comme des dérogations possibles? ou mettront-ils en avant l’inclusion? Quand on sait déjà actuellement que trop d’enfants ne peuvent pas aller en école à cause d’un manque d’AVS ou de possibilités d’adaptation, que des PAI/PPRE ne sont pas respectés.

*Nous avons ici fait le choix de rejoindre l’association UNIE http://association-unie.fr/ dont j’avais déjà pris l’adhésion il y a deux ans, mais que j’avais oublié de renouveler tout en suivant leurs démarches régulièrement.

Mais il y a d’autres associations dont notamment :

LED’A (les enfants d’abord),

Félicia,

#TOUCHEPASAMONIEF

#IEFENDANGER

#ENIEFETNOSENFANTSVONTBIEN

EN IEF et mon enfant va bien! (oui elle a l’air malheureuse n’est-ce pas?)

MERCI A CEUX QUI AURONT EU LE COURAGE DE ME LIRE JUSQU’A LA FIN… Je compte sur vous pour partager ce billet et faire parler de notre droit à l’IEF!

6 commentaires sur “#touche pas à mon IEF

  1. Merci! Tout est dit! Je m’empresse de partager le lien vers cet article très clair et qui, je pense, aidera ceux qui ne voient pas où est le problème dans ce projet de loi liberticide et anticonstitutionnelle.

    J’aime

    1. Merci beaucoup !!! peu comprennent, beaucoup ont des préjugés sur l’instruction en famille, parce que c’est méconnu et que beaucoup de personnes ont en tête « qu’il n’y a qu’à l’école qu’on peut apprendre, qu’il faut que les enfants sortent des jupes de leurs parents, se confrontent au monde, ne peuvent pas apprendre et qu’on n’est pas des enseignants… » parce que l’ief est méconnu, et qu’on est pour la plupart passés par les bancs de l’école (et quand je vois le résultat!!!)

      J’aime

  2. Je suis sans voix sans vous. Nous allons nous battre contre cette loi sans sens. Comment oser retirer quelques choses qu il ne connaît même pas. Nos enfants sont épanouis et heureux

    J’aime

  3. Merci pour ce joli texte que je vais partager sur mon facebook avec d’autres, avec le mien pour montrer à quel point il est important de défendre notre liberté d’instruction! Mon grand est scolarisé, il n’a pas un profil atypique et ses journées à l’école semblent se dérouler correctement pourtant j’avais en projet de me lancer dans l’aventure IEF ce qui implique changement professionnel pour moi. Tout simplement parce que j’ai envie d’être à ses côtés, de le voir découvrir des nouvelles choses chaque jour, de pouvoir suivre son rythme (j’ai cru avoir une crise cardiaque quand il m’a raconté qu’il n’avait pas pu faire l’atelier « lettre » un jour parce qu’il n’avait pas eu le temps…pas le temps pour apprendre? A l’école? Cherchez l’erreur!) Alors oui, on va se battre pour avoir le droit de choisir l’instruction que l’on souhaite donner à nos enfants!

    J’aime

  4. Effectivement, souvent l’instruction en famille n’est pas un premier choix effectué par conviction mais une réponse à l’inadaptation de l’Ecole envers de nombreuses situations d’handicap ou des élèves souffrant de phobie scolaire pour diverses raisons.
    Les parents ont le droit (constitutionnellement) de choisir un enseignement qui s’adaptera plus facilement à leur enfant.

    J’aime

Laisser un commentaire